La mère UBU et les zombies municipaux (italiens).. suite.

Publié le par Alex Sylve

Deuxième partie

Le premier pas de la mère Ubu est d’aller à la mairie, dans le service des cartes d’identité.

Bien sûr, je vous passe l’obligation de se présenter entre 8.00 et 12.00, faire la queue, l’attente … finalement, elle expose son problème et demande quelles sont les pièces à porter pour obtenir une nouvelle carte. On lui explique que ce n’est pas un renouvellement, donc besoin d’un document officiel du commissariat.

La mère Ubu se déplace jusqu’au commissariat au village d’à côté, (là encore une file mais ce n’est pas la peine de le préciser, comme de partout, des plaintes pour vols, cambriolages, saccages….) et elle expose les circonstances de la destruction de sa carte (vous vous en souvenez, une machine-à-laver papivore). On lui répond que les lois ont été récemment modifiées (et oui, ça arrive) et que pour obtenir un document officiel des services, il faut faire une déclaration qui n’est enregistrée que si la carte d’identité a été volée ou a été perdue. Dans tous les autres cas –et voilà la nouvelle loi-, il suffit de faire soi-même un auto-certificat avec déclaration sur l’honneur de la véracité des faits.

De retour chez elle, la mère Ubu se met à son ordi et écrit en italien correct son auto-certificat, l’imprime sur son imprimante perso et le signe.

Ensuite, encore insouciante et tranquille, elle retourne à la mairie au service adéquat. La jeune prend l’ensemble des documents et indécise va voir sa chef qui se lève et va vers la mère Ubu.

« C’est impossible de refaire votre carte d’identité, il manque le document de la police. »

« Mais ce n’est pas nécessaire Madame, parce que bla bla bla .. la nouvelle loi …. »

« Non, non, ce n’est pas possible, je ne peux pas refaire votre C.I. comme ça à partir de rien … »

« Mais ce n’est pas rien, là il y a les restes de mon ancienne C.I. (c’est vrai on ne discerne vraiment plus grand-chose, ça pourrait être celle d’un terrible et vieux mafieux ?!?) et mon auto-certificat … »

« Amenez-moi le document du commissariat, sinon je ne vous refais pas votre carte.. »

« ….. »

La mère Ubu ressort un peu en colère, mais il fait beau dehors et sa rage s’émousse sous le chaud soleil du sud italien. Alors elle retourne insister auprès du commissariat. Rien à faire, la loi est la loi. Pas de document officiel puisque ce n’est pas prévu.

« Dites à ceux de la mairie de nous téléphoner » termine le gendarme.

Retour chez la rombière municipale du service des cartes. La mère Ubu insiste sur le fait que la police refuse catégoriquement de faire une paperasse qui légalement ne dépend pas d’elle.

« Vous n’avez qu’à faire comme si vous l’aviez perdu votre carte d’identité, comme ça vous aurez le document. »

« ??!! (Sainte-Patience aidez-moi) …… Ecoutez Madame … si vous avez des doutes sur la loi, la police m’a dit que vous pouvez les appeler … téléphonez donc ! »

« Non, je ne téléphonerai à personne. »

« !!??" (pensées du moment: ! grrr ! boum ! doigt! couteau! lions dans l’arène autour de l'employée!)

Inutile de dire que la mère Ubu est furieuse à présent. Etre obligée de déposer et signer une FAUSSE déclaration au commissariat pour pouvoir obtenir la carte d’identité que LEGITIMEMENT, comme tout citoyen, elle est en droit d’avoir, parce qu’une employée de mairie décide que la loi nationale ne la regarde pas, ou ne lui convient pas ! Y’en a qui prennent un flingue et tire dans le tas, ça ne se fait pas, c’est pas beau, la vie des autres c’est sacrée, faut toujours savoir se contrôler, on va pas finir en taule pour un/e con/ne, mais parfois on arrive à les comprendre, ou du moins à ressentir ce qu’ils ont dû ressentir avant leur passage à l’acte.

Alors une autre idée lumineuse jaillit. La mère Ubu décide de porter plainte. Une plainte contre la mairie. Why not ? Les instances qu’elles soient nationales ou municipales devraient être les premières à respecter les lois pense-t-elle naïvement.

Et la voilà qui prend rendez-vous avec un avocat. De nouveau, le récit sur les faits : les blocages, les lois et les allers-retours entre la mairie (dans un des villages) et les flics (dans l’autre village). L’avocat essaie mollement de détendre l’atmosphère, on sent qu’il n’a pas vraiment envie de porter plainte contre la mairie, c’est qu’il est né ici, lui, alors que dira-t-on ? Il s’en va en disant à la mère Ubu de ne pas s’inquiéter, il prend l’affaire en main.

Après plusieurs semaines, l’avocat (maintes fois sollicité entre temps par la mer Ubu impatiente) a résolu le problème. Il arrive et présente à la mère Ubu un document. Ce n’est pas sa carte d’identité, pas tout-à-fait, mais presque, c’est le justificatif officiel du commissariat qui indique noir sur blanc que la mère Ubu a PERDU sa carte d’identité.

Depuis ce mémorable instant, il y a cinq ans, qui a manqué lui faire prendre une crise d’apoplexie, la mère Ubu a décidé de boycotter les services municipaux et l’ensemble de la fonction publique. Elle aurait pu faire plus, être tenace, mais pour cette fois, elle s’est arrêtée là. Elle n’a plus de carte d’identité italienne et présente son passeport en cas de besoin et si on lui fait remarquer, alors elle n’hésite pas à raconter sa mésaventure, et elle appelle sa commune « le Royaume Indépendant ». Sans doute finira-t-elle sa vie ainsi.

En conclusion, soyez heureux et souriez, rien de tout ça ne pourra vous arriver ! Nos belles cartes d’identité électroniques d'aujourd’hui ne sont plus en papier.

(La mère Ubu a pris, pour cette histoire, dont tous les détails ont été vécus, l’identité d’un ami italien)

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